Covid: sortie de crise à risque pour les très petites entreprises en Guadeloupe
Les aides publiques ont limité l'impact de la pandémie pour un certain nombre d'entreprises guadeloupéennes, mais la sortie de crise s'annonce risquée pour le réseau de très petites entreprises de l'île, qui avaient déjà d'importantes dettes sociale et fiscale.
Publié : 28 mai 2021 à 12h47 par Tropiques FM avec L'AFP
"C'est catastrophique", résume Bernard Dressayre, propriétaire de cinq gîtes à Sainte-Anne, dont la location, l'unique activité familiale, est à l'arrêt depuis les restrictions aux voyages --limités aux seuls motifs impérieux-- imposées début 2020 en Guadeloupe.
"On est quatre à manger et il faut payer toutes les charges", témoigne ce patron, obligé de faire "des sacrifices". Il souhaiterait un maintien des aides, même réduites, jusqu'au redémarrage complet de l'économie.
En Guadeloupe, l'accès au prêt garanti par l'État et au chômage partiel a limité la perte d'emploi et le nombre de défaillances sur l'année 2020, selon le rapport de l'Institut d'émission des départements d'Outre-mer.
Mais ces résultats cachent une réalité plus complexe pour les 43.000 établissements, "formés à 92% par des très petites entreprises", explique le vice-président du Medef local, Jacques Fayel, "des TPE avec souvent des capitaux propres largement insuffisants".
Il fait état "de grosses difficultés, avec des dettes sociale et fiscale proportionnellement plus importantes sur le tissu économique local que dans l'Hexagone". Et "nombre de ces entreprises n'ont pas pu avoir accès aux aides puisqu'elles n'étaient pas à jour", note-t-il.
Selon l'URSSAF, "le pourcentage de cotisants débiteurs a augmenté de 24 points en 2020". Le taux était déjà de 54% en 2019.
Pour le directeur de la Caisse générale de Sécurité sociale de Guadeloupe, Jean Véron, "il faut anticiper la sortie de crise, qui risque d'être plus difficile que la crise elle-même".
"La situation est vraiment préoccupante", insiste Jean-Yves Ramassamy, représentant des socioprofessionnels de l'île qui avaient bloqué la Guadeloupe en février dernier, s'insurgeant contre "la pression sociale et fiscale" en temps de crise.
- "Engrenage infernal" -
Le patron de trois entreprises de BTP, de transports et de collecte des déchets, explique, à titre personnel, ne pas avoir pu "bénéficier des aides, n'ayant pas pu fournir les attestations des charges sociale et fiscale".
"Il n'y a pas de boulot. On a beaucoup d'argent dehors qui ne rentre pas", se justifie-t-il.
Sur l'archipel, les délais de paiements des collectivités locales envers les entreprises contribuent à compliquer la situation. Ce qui forme, selon le vice-président du Medef, "un engrenage infernal".
"Si les entreprises n'ont pas d'attestation fiscale et sociale à jour, elles n'ont pas le droit aux aides", rappelle le directeur régional des finances publiques (DRFIP) de la Guadeloupe et des îles du Nord, Guy Bensaïd, qui assure avoir régularisé beaucoup de structures souhaitant être accompagnées.
"Celles qui étaient inconnues se sont fait connaître, elles ont déposé leur déclaration. Et celles qui avaient des dettes fiscales, on leur a fait des moratoires, ce qui a ouvert leur droit", explique-t-il.
Au total, "175 millions d'euros d'aides ont été distribués à 20.000 entreprises, dont 10% à 20% sont des structures qui ont été régularisées", ajoute M. Bensaïd.
Pour les établissements en règle n'ayant pas encore reçu les aides d'urgence, le directeur de la DRFIP explique avoir instauré des contrôles, dès lors que les montants ont augmenté: "Je ne distribue pas l'argent public à hauteur de 200.000 euros les yeux fermés. Et on a bien fait. On a trouvé de nombreux cas de fraudes au-delà des 400.000 euros. Les filtres ont, c'est vrai, retardé le versement, mais c'est la garantie d'une distribution correcte de l'argent public", conclut-il.
"Les aides publiques ont joué leur rôle" de pare-feu, commente Patrick Oudin, commissaire à la vie des entreprises et au développement productif. Mais il craint désormais la formation "d'entreprises zombies", des sociétés non viables ne devant leur survie qu'à la perfusion d'argent public.