Pour aider les malades des Outre-mer, une Martiniquaise monte une conciergerie médicale
Mélissa David-Dehal, martiniquaise de 30 ans, lance une conciergerie médicale pour aider les Ultramarins avec leur parcours médical dans l'Hexagone. Choix de l'hôpital, transport, formalités administratives, ou soins post-opératoires⬦
Publié : 29 juillet 2020 à 9h18 par Arnaud Joly
Mélissa David-Dehal
Crédit : Outre-mer la 1ère
Née en Martinique, Mélissa David-Dehal a grandi à Schoelcher. Diplômée du lycée Bellevue, elle a étudié l'ostéopathie à Bordeaux avant d'exercer dans une clinique étudiante à Paris, où elle est installée désormais. À 30 ans, c'est un nouveau défi auquel elle s'attèle : lancer sa conciergerie médicale, "LilaCare", avec dans un coin de la tête l'objectif, à terme, de rentrer vivre sur sa terre natale. Interrogée par nos confrères d’Outre-mer la 1ère, elle explique son projet : « Je compte aller jusqu'au bout. Il y a trop de personnes qui abandonnent ou qui sont perdues. Avoir un système de soins facilité, c’est très important pour la guérison d’un patient. On enlève le stress de la charge administrative pour qu’il se concentre uniquement sur sa guérison. Et ce n’est pas uniquement le malade, c’est aussi sa famille. »
Une conciergerie médicale, qu'est-ce que c'est ?
Dans le cas de LilaCare - le nom de sa future société -, il s'agit d'un accompagnement qui vise à faciliter l'accès aux soins des malades qui vivent en Outre-mer mais aussi des personnes non-résidentes en Europe : choix de l'hôpital ou de la clinique parmi plusieurs propositions, billets d'avion, hébergement, transports une fois sur place, organisation des soins post-opératoires comme un kinésithérapeuthe ou une infirmière à domicile...Un accompagnement personnaliséParticularité de "LilaCare", Mélissa dit vouloir mettre en place un accompagnement personnalisé en fonction des moyens et des envies des malades, plutôt que des packages "tout compris". "L’idée est vraiment de m’adapter à la demande du patient et donc à ses moyens et à ses préférences, explique l'entrepreneuse antillaise. Je n’imposerai rien, j’essaierai d’avoir le maximum de devis." « Ce que je vise, c’est plutôt le second avis médical, le contrôle, les pathologies comme la cardiologie, le digestif, la pédiatrie. Ce sera réellement en fonction de ce qu’il manque pour l’instant sur le département. »
Les premiers locaux seront en Martinique, d'autres pourront ouvrir ailleurs en Outre-mer en fonction des besoins. "Bien que tout se fasse sur internet aujourd’hui, je pense qu’il est important d’avoir un bureau à la Martinique, explique Mélissa. En Martinique, la population a besoin d’avoir un point d’ancrage, où elle peut aller et poser des questions et se renseigner, ce qui est différent pour la population européenne qui est beaucoup plus à l’aise avec les réseaux. Et en Afrique, eux ont plus de facilité à communiquer soit par téléphone, soit par Facebook…"
Comment est née l’idée de LilaCare ?
"Je me suis rendue compte que c’est très compliqué pour un patient qui n’y connait rien d’obtenir un rendez-vous, de venir en France, de trouver un hébergement, les transports… Tout ça, ça demande une logistique assez importante." Une logistique d'autant plus éprouvante qu'elle s'accompagne pour les Ultramarins - contraints de solliciter des soins dans l'Hexagone, faute de traitement possibles dans leur territoire - d'un déracinement, d'une rupture brutale avec les proches, d'un décalage horaire... Éviter les découragementsEn janvier dernier, l'ostéopathe est sollicitée par une de ses patientes, originaire de Côte d'Ivoire. Sa sœur a besoin d'une prothèse de hanche, mais les démarches sont difficiles. "Ça faisait déjà trois ou quatre mois qu’elle essayait d’avoir un rendez-vous à l’hôpital mais elle n’avait pas suffisamment d’informations, ça n’a pas abouti", se rappelle la jeune femme avant de poursuivre : "J’ai contacté plusieurs hôpitaux, mais ensuite il y a eu les vacances et le Covid. Le 2 juin, j’ai eu un retour de deux hôpitaux qui sont tous les deux OK pour une intervention en septembre. Je me suis chargée de lui trouver les soins post-opératoires : un kiné et une infirmière à domicile."Ce sont aussi des expériences personnelles qui ont convaincu la Martiniquaise : "Depuis mon plus jeune âge, je sais que mes parents, mes amis, les parents de mes amis partent en France que ce soit pour une opération ou un suivi médical parce qu’il n’y a ou n'y avait pas les équipements nécessaires pour pouvoir prendre en charge certaines pathologies" aux Antilles.
Pour lancer sa société, Mélissa a évalué ses besoins au démarrage à 7000 euros pour financer un ordinateur, un local, un téléphone ou encore un site web. Pour y parvenir, elle a sollicté les banques : "Une banque était prête à me suivre pour l’obtention d’un prêt. Mais après le Covid, elle me demande un apport personnel beaucoup plus important." La jeune femme cherche donc à lever des fonds. Cagnotte, subventions, concours, prêt...Pour cela, elle a lancé une campagne de financement participatif sur la platerforme Dalendo. Elle rassemble, à ce stade, 2 870 euros. Si l'objectif de 7 000 euros n'est pas atteint le 31 juillet, les contributeurs pourront choisir d’être remboursés ou de faire don de la somme promise. Autre piste : des subventions. "J’ai envoyé mon dossier à la CTM (la Collectivité Terrotoriale de Martinique)." Loin de se décourager, Mélissa David-Dehal a également postulé auprès de la pépinière "Take Care Paris", un incubateur dédié à la santé qui finance à hauteur de 30 000 euros les projets qu'il choisit.Quelle que soit sa fortune, Mélissa ne compte pas baisser les bras : "C’est un projet auquel je crois et qui me tient vraiment à cœur. Donc je vais quand même lancer LilaCare, je vais devoir faire autrement et voir si le banquier me suit finalement avec l’apport que j’aurai."
LilaCare proposera différents devis, aux malades de choisir l'option qui lui convient le mieux, promet Mélissa qui reçoit l'aide de sa mère et de sa cousine, tous les deux installées en Martinique. Sur place, une fois la société lancée, "elles pourront faire le relais le temps que j’emploie quelqu’un à temps plein ou partiel."5% de la facture totaleLe Martiniquaise compte se consacrer entièrement à la conciergerie médicale, mettant entre parenthèse son activité d'ostéopathe. Pour se rémunérer, elle demandera 5% de la facture totale à ses clients : "C’est ce qu’on a établi pour le moment pour rentrer dans nos frais, pour le local, pour toutes les charges mensuelles. Ce sera susceptible de bouger en fonction du nombre de bureaux et des frais qu’on aura."