Le projet de forage du massif de la Soufrière va t'il se réaliser ?
Un projet de forage du massif de la Soufrière semble causer des remous. Un collectif a voulu alerter sur la question et s'y oppose.
14 novembre 2019 à 10h23 par Và©ronique
La géothermie, tout le monde s'accorde pour le dire : c'est une énergie renouvelable, gratuite, qui pollue peu et qui comporte que peu de risques même industriels. Alors, au final, tout le monde est pour. Sauf qu'à l'heure de déclencher une autorisation administrative pour une permission de forer, histoire d'aller voir, une bonne fois pour toutes, si oui ou non, le potentiel existe, certains s'y opposent. Le Comité de Vigilance de la Soufrière, emmené par Dominique Virassamy et Évita Chevry parle d' « agression de la Vieille Dame », et demande le gel immédiat du projet.
De la connaissance scientifique
Le projet ? Géotref, qui rassemble un consortium de scientifiques, depuis 2014, financé par un des grands plans d'investissement du précédent gouvernement, dont l'objectif est de mieux connaître la ressource géothermale (lire notre édition du 2 novembre). Ce projet bénéficie, via une société membre, Géothermie de Guadeloupe, d'un permis exclusif de recherche, depuis 2016. Mais pour étudier le sous-sol et mesurer son potentiel, une autorisation de forage doit être donnée par les services de l’État. Car, pour qualifier la teneur du sous-sol, une bonne fois pour toutes il faudra en passer par là.« L’État nous a sollicités pour que nous donnions un avis de scientifiques, confie Roberto Moretti le directeur de l'Observatoire Volcanique et Sismologique de la Guadeloupe (OVSG). Nous avons donc transmis une note, dans laquelle nous indiquons qu'il y a des risques et que si l'on choisit de les prendre, il faut les maîtriser. Mais bien sûr, si l'on fore, on aura aussi une meilleure connaissance du sous-sol, utile pour le monitoring du volcan. »
Du côté du collectif de vigilance, on veut alerter sur la dangerosité de ces risques : les foreuses feraient plusieurs mètres de diamètre, et la création d'une centrale géothermique pose question : « Quel est le risque sismique ? Où sera placée la centrale ? Et puis, quelle place pour les Guadeloupéens ? ».
À la liste des objections, viennent s'ajouter la crainte d'une pollution sonore et gazière, une suspicion de mensonge sur le nombre de forages et aussi un avis de la Région « négatif » sur le projet. « La géothermie est au cœur de notre stratégie d'autonomie énergétique, souligne-t-on au cabinet du président de Région. Nous souhaitons cependant avancer en totale transparence de manière à garantir que l'exploitation de cette ressource qui appartient au patrimoine naturel de la Guadeloupe se fasse avec l'assentiment éclairé de toutes les parties prenantes, y compris de la population ».
De longues années avant la centrale
Pour l'heure, les forages ne sont toujours pas autorisés. Du côté des services de l'État, on précise que les choses sont étudiées pour que tout soit fait dans les règles. , Pour l'ancien directeur de l'OVSG, Christian Anthénor-Habazac, qui s'exprime dans un communiqué, « les conséquences de ces forages sur l'activité volcanique », l'une des craintes du collectif, seraient nulles : « Autant piquer la peau d'un éléphant avec une épingle simple », car selon lui, les forages sont de quelques centimètres de diamètre. « 25 cm », précise un scientifique de Géotref.
Quant à construire une éventuelle centrale, on n'y est pas avant plusieurs longues années. Reste la question des retombées économiques, soulevée par le collectif de vigilance qui craint, selon Dominique Virassamy que « tout un peuple » n'en bénéficie pas. Derrière cette interrogation se cache la crainte de voir un investisseur étranger, comme pour Ormat à Bouillante, qui exploite la centrale géothermique, de venir manger les emplois et les ressources de la Guadeloupe. Car, Sorengy, filiale du géant Engie pourrait rentrer comme actionnaire majoritaire au capital de la SAS Géothermie de Guadeloupe, partenaire de Géotref. Sauf qu'à moins qu'un Guadeloupéen ne soit prêt à investir des dizaines de millions d'euros, seule une entreprise industrielle solide pourra se lancer dans l'aventure. Et puis la Région veut veiller au grain : « Nous poursuivons des négociations avec le gouvernement, pour sécuriser, par la loi les retombées aux profits des collectivités locales qui hébergent ou accompagnent le développement de cette industrie », rappelle le cabinet d'Ary Chalus.