La Nouvelle-Calédonie dans une « bulle » sans Covid

« On est dans une bulle » : à 18 000 km de Paris, la Nouvelle-Calédonie, qui vote sur son indépendance dimanche est l'un des très rares territoires au monde à avoir échappé à l'épidémie de Covid-19, et ses habitants mènent une vie « normale » sans masques ni gestes barrières.

30 septembre 2020 à 10h05 par Arnaud Joly

"On sort, on voit nos amis, on va voir des spectacles, sans masques et sans gestes barrières", explique à l'AFP Yoanna Wiard, DRH d'une grande entreprise calédonienne. "On vit tout à fait normalement et on sait combien on a de la chance", alors que la pandémie a déjà fait plus d'un million de morts dans le monde. "Le masque, vous n'allez pas le trouver chez nous", confirme Viannick, Mélanésienne de 46 ans qui habite Koumac dans le nord. "On a une vie à peu près normale, mais on sait qu'on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête", nuance-t-elle. Comme tous les électeurs du référendum, elle ira voter dimanche "sans masque". Tout comme elle a participé à la Foire de Koumac, grande fête agricole qui a rassemblé 18.000 personnes sur trois jours. 


27 cas, tous importés


Sur les 270.000 habitants du territoire, seuls 27 cas de coronavirus, tous importés, ont été recensés à ce jour dans l'archipel, qui a été le territoire français au confinement le plus court (24 mars/20 avril). Le seul autre territoire totalement épargné est Wallis-et-Futuna. Tous les cas de Covid sont guéris, à l'exception du dernier, identifié vendredi dernier, auprès d'une personne venant de métropole et placée en quatorzaine. Car depuis le 20 mars, les vols internationaux ont été drastiquement réduits et tout arrivant est obligatoirement placé en quatorzaine dans des hôtels réquisitionnés par le gouvernement. Un test PCR doit être effectué avant le départ et un autre avant la sortie de l'hôtel.     Le gouvernement calédonien, autonome en matière de santé, a décidé de prolonger ce dispositif jusqu'au 27 mars 2021. "Nous sommes un petit village de Gaulois qui résiste. Tout autour de nous, le monde connaît une recrudescence du virus et nous avons donc la responsabilité de maintenir la Nouvelle-Calédonie dans cette situation favorable", a expliqué le président du gouvernement collégial, Thierry Santa.


Vacances locales


Résultat, "tout le monde a revu ses plannings de grandes vacances (de décembre à fin février)", admet Yoanna Wiard. "Au lieu de partir, les Calédoniens vont faire vivre l'économie calédonienne", ajoute-t-elle. "C'est contraignant", reconnaît Viannick, qui attend avec impatience que son fils, coincé depuis décembre au Canada par la raréfaction des vols, sorte enfin de sa quatorzaine. "Mais on préfère qu'ils ne lâchent personne dans la nature, on est en sécurité. Quand on voit ce qui se passe à Tahiti", souligne-t-elle. La Polynésie a rouvert ses frontières pour faire redémarrer le tourisme, mais connaît une hausse du nombre de contaminations et de décès.    "Dans les tribus, on a pris conscience que ce virus là est dangereux", poursuit Viannick. "On se lave plus les mains, on tousse à l'écart, les plus âgés sont très protégés. Si je rencontre une personne que je ne connais pas, je ne lui tends plus la main", avoue-t-elle, "alors que l'Océanien est d'habitude très famille, très tactile. On aime bien s'enlacer, mais la coutume a été bouleversée".    


Difficultés économiques


Dans le monde économique, les entreprises "manquent de visibilité sur l'avenir", déplore Xavier Benoist, président de la Fédération des industries. "On est incapable de dire quand nos frontières rouvriront, alors qu'on commençait seulement à s'intégrer économiquement au plan régional". Selon une étude de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) réalisée en août auprès de 165 entreprises locales, 70% sont inquiètes de l'évolution économique de la Nouvelle-Calédonie et 73% ont enregistré des baisses de chiffre d'affaires sur les six derniers mois.