Au moins 100 morts et 4000 personnes blessés dans deux explosions spectaculaires au Liban

Deux déflagrations ont fait trembler le poumon du Liban mardi après-midi. Le bilan humain et matériel s'annonce terrible.

5 août 2020 à 11h12 par Arnaud Joly

Pour le Liban, aux prises avec une grave crise économique et l‘urgence de la pandémie du coronavirus, c’est une tragédie de plus qui rappelle les heures sombres de la guerre.


Deux explosions énormes, des dizaines de morts, des immeubles éventrés : le port de Beyrouth, au Liban, a été le théâtre mardi d'une véritable catastrophe. Si le nitrate d'ammonium, déjà en cause dans plusieurs accidents industriels, semble être impliqué, les circonstances de ce désastre sont encore floues.


LES FAITS. Une déflagration « apocalyptique »


Mardi 4 août, vers 18 heures, heure locale (19 heures, heure de Paris), une forte explosion retentit dans le quartier du port, qui se trouve en plein centre-ville, près des souks. Elle provoque un incendie. Suit, à 18h07, une seconde déflagration encore plus puissante, qui dégage un champignon rappelant les images des explosions nucléaires.


Les témoignages décrivent un souffle puissant suivi d'un second plus terrible encore, apocalyptique, qui semble en un instant balayer tout sur son passage dans le cœur vibrant de la ville de 2 millions d'habitants. Les vitres ont été brisées à des kilomètres à la ronde, notamment dans l'aéroport international de Beyrouth, qui se trouve à 9 km de distance. Le souffle aurait été ressenti jusque sur l'île de Chypre, à plus de 200 km. Dans la soirée, l'institut américain de géophysique (USGS), basé en Virginie, a précisé que ses capteurs avaient enregistré l'explosion comme un séisme de 3,3 sur l'échelle ouverte de Richter.


LE BILAN. Les pertes humaines incertaines, les dégâts matériels considérables


Ce mercredi à l'aube, selon la Croix-Rouge, le bilan s'établit à plus de 100 morts. Au moins. Car plus de 4 000 personnes ont été blessées et un nombre encore incertain d'autres sont portées disparues, probablement ensevelies sous des décombres. Trois hôpitaux, dont les capacités ont été éreintées par le coronavirus, ont été endommagés par les explosions. Ils doivent déplacer leurs patients, selon Mirna Doumit, présidente de l'Ordre des infirmières, et ne peuvent pas traiter les blessés qui arrivent par ambulance, dans des camionnettes, dans les bras de proches ou de voisins. L'Hôtel-Dieu soigne déjà 400 blessés… Tous se replient vers le « Rizk », l'hôpital américain de Beyrouth, saturé malgré sa taille. Sur Twitter, la Croix-Rouge libanaise appelle désespérément les habitants à venir donner leur sang.


Parmi les morts, de toutes les origines, Libanais, Philippins, Australiens, on compte le chef du parti politique Kataeb, Nazar Najarian, qui a été mortellement touché dans son bureau.


Côté dommages matériels, les pertes sont immenses. Port de marchandises et de transport de passagers, le port de Beyrouth est un point névralgique au bord de la Méditerranée pour les importations et les exportations de tout le Moyen Orient. Après la guerre civile, les infrastructures ont été modernisées et de nouveaux terminaux construits, pour atteindre la taille de quatre bassins, seize quais, ainsi qu'un gigantesque silo à grains qui peut charger à lui seul deux navires entiers. Il a été éventré. Dès mardi soir, le gouvernement a décidé de réduire la vente de farine aux fours, pour anticiper le risque d'une pénurie à venir.


L'ORIGINE. La piste accidentelle privilégiée


Le Premier ministre Hassan Diab a évoqué, lui, 2 750 t de nitrate d'ammonium. Elles auraient été stockées depuis six ans dans un bâtiment du port. L'inflammation de cette substance, qui sert à fabriquer engrais ou explosifs, est à l'origine de l'explosion meurtrière en France de l'usine AZF à Toulouse, qui a coûté la vie à 31 personnes et fait 2 500 blessés. L'explosion est survenue dix jours après les attentats du 11 septembre. Pendant des mois, les autorités françaises avaient fortement envisagé qu'il s'agisse d'un attentat.